Difficile de s'imaginer de quelle manière pourraient progresser nos sociétés si le crédit disparaissait. Cela va de soi, l'emprunt étant jusqu'à maintenant la source de financement la plus courante et la plus rationnelle qui soit. Faire la chasse au crédit et à la pratique de l'usure, c'est s'en prendre à ce qui a donné la possibilité de faire sortir de terre un grand nombre de vestiges de notre héritage culturel, ou encore à l'excellence de nos grandes entreprises qui se félicitent d'être parmi les plus gros recruteurs du pays. En théorie, l'endettement n'est pas un problème en soi, mais la profusion de crédit par réserve d'argent est par contre un danger contre lequel il faudra un jour s'attaquer.

En plus d'être extrêmement coûteux, le crédit renouvelable peut créer une addiction malsaine

Qu'il soit question d'un crédit immobilier pour l'achat d'une maison ou d'un crédit aux entreprises, certaines formes d'emprunts sont indispensables pour la réalisation de projets de premier ordre. Le prêt personnel est lui aussi beaucoup demandé lorsqu'il est question de financer une auto, des rénovations ou une école supérieure. En soi, le crédit n'a pas à être critiqué lorsqu'il permet de concrétiser un projet précis et réellement utile à long terme pour une personne ou pour un groupe (si toutefois le taux d'intérêt reste correct). Si le projet de l'emprunteur est solide et qu'il apporte en plus les documents requis pour convaincre son banquier, il ne devrait pas avoir d'inconvénients à lever des fonds. Un type de crédit génère néanmoins la controverse parmi les associations de consommateurs : les prêts à la consommation renouvelables. En raison d'abord de leurs taux d'intérêt ahurissants, mais surtout à cause de leurs règles de remboursement (réserve d'argent qui se reconstitue au fil des mensualités) qui a pour conséquence de déclencher un cercle vicieux difficilement surmontable. Ce type de crédit est relativement facile à obtenir et il est généralement utilisé par les clients pour régler leur note grâce à une carte MasterCard ou une VISA spécifiquement dédiée. Le problème, c'est que le client est souvent tenté à piocher dans cette réserve comme s'il s'agissait ici de son propre compte courant pour finalement succomber à des achats futiles et à taux très salé. Si aucune initiative visant à plafonner sérieusement les taux, ou même une interdiction sans détour de cette pratique n'est exprimée, alors la lutte contre le surendettement/mal-endettement aura perdu une bataille capitale.

Que faire si les organismes décidaient de fermer du jour au lendemain l'accès au crédit ?

S'il y a disparition du crédit revolving, ce sont d'abord les grandes surfaces généralistes et spécialisées qui en subiront les effets. Pour s'équiper en meubles, hi-fi et électroménager, beaucoup de personnes utilisent le prêt revolving. Si les établissements financiers ne souhaitent pas adapter leurs offres de crédit personnel à des montants moins élevés (en compensation de la perte de la réserve d'argent), il sera impossible de les contraindre à le faire. Le gouvernement devra donc trouver rapidement des solutions d'urgence. Dans cette optique, nous pourrions imaginer que le gouvernement accompagne des acteurs du monde de la distribution (physique et en ligne) pour la mise en place d'un établissement de crédit sectoriel. Ce service serait soutenu par l’État et proposerait des offres de micro-prêt personnel à montant limité pour toute personne qui exprimerait la volonté de régler ses achats par crédit. La gestion pourrait être confiée à une agence semi-publique ou déléguée à une entreprise spécialisée en crédit à la consommation et les administrateurs décideraient eux-mêmes des objectifs à suivre. Si le client voit sa demande de crédit approuvée, il pourra décider de lui-même (mais sous conditions) le niveau de ses futures échéances. Ainsi, ceux qui participeront à cette nouvelle banque seront copropriétaires de leur appareil de financement. L'autre solution consisterait à passer par le crédit entre particuliers. Les demandeurs devront se rendre sur une plateforme de mise en relation afin de faire une simulation de prêt personnel. Le principe est de connecter d'une part des particuliers en recherche d'un placement intéressant avec, de l'autre côté, des demandeurs qui souhaitent financer un projet précis. Le taux payé par l'emprunteur correspondrait au rendement du capital de l'investisseur. Si d'un point de vue technologique, il n'est pas très compliqué de créer une telle plateforme, le défi numéro un serait de faire en sorte que les prêteurs s'inscrivent massivement et rapidement pour relancer les achats à crédit. L'ultime piste (déjà proposée ici) serait à négocier avec la Banque centrale pour qu'elle accepte de capitaliser les établissements publics de crédit. L'aspect positif d'une telle initiative, c'est que les capitaux investis seraient bénéfiques dans l'économie réelle et quotidienne au lieu d'alimenter une spéculation sur les places financières.